La commission européenne a publié il y a quelques jours un rapport intéressant, identifiant l’open source comme un vecteur de croissance, d’innovation et une voie à soutenir en vue d’une certaine autonomie digitale; allez, disons-le, d’une souveraineté numérique.

Les logiciels open source sont maintenant très répandus et rendent, bien souvent, des services fonctionnellement similaires ou très proches de solutions commerciales, parfois coûteuses, en argent… ou en données personnelles.

La commission relève que l’open source appliqué au hardware reste timide et pourrait – devrait – être développé. C’est une réalité qui devient d’autant plus cruciale que le hardware redevient une pièce essentielle des technologies majeures du moment et pour les quelques décénies à venir (véhicule autonomes, intelligence artificielle, calcul haute performance, etc..).

Ainsi, les politiques européens s’emparent du sujet et proposent des mesures afin de soutenir cette démarche, cette approche, cette option qui consiste à ouvrir tout ou partie d’un savoir-faire afin d’agréger des compétences, des intérêts et aller plus vite, plus loin.

Le paradoxe de l’open source

Le paradoxe intéressant d’une telle démarche est qu’elle renforce l’autonomie numérique… Oui, en partageant le « code source » d’une oeuvre logicielle ou matérielle, on contribue à se rendre plus forts, plus autonomes, là où beaucoup le verraient comme une faiblesse. Le principe est pourtant simple : l’open source permet d’unir des forces, plutôt que, caricature en approche, de rester chacun chez soi à développer la même chose.

La pratique démontre que cela fonctionne, il n’y a aucun doute là-dessus. Linux (et bien d’autres logiciels) ont pu par le partage devenir des « standard » mondiaux, créateur de valeur, de technologies et ouvrant la voie à une autonomie, souverainté numérique.

Cependant, cela n’est rendu possible que par la capacité à susciter et organiser une communauté, tout en conservant le cadre adéquat (bien souvent au travers d’une licence et d’un « board » attentif). C’est un métier.

Les subtilités

Il y a quelques subtilités intéressantes et il serait utile de citer au moins les deux principales à notre sens :

Open source est souvent confondu avec libre. Les deux se cumulent, parfois, mais pas systématiquement. L’ouverture du code se présume pas d’un usage commercial gratuit, illimité et sans contraintes. De même, tout nouveau développement doit respecter les termes de la licence, avec certaines dites « virales » (qui rendent tout nouveau développement open source à son tour, voire libre) ou bien d’autres (avec des subtilités sur la façon dont le nouveau logiciel s’interface avec celui objet de la dite licence).
Dans le hardware, la subtilité fait parfois la différence entre les schémas qui peuvent être ouverts, et le design de la carte ou du matériel. Par exemple, les fameuses cartes Raspberry sont basées sur des schémas libres, alors que la carte elle ne l’est pas.

Une autre finesse de l’exercice porte sur les services de développement qui sont associés à des technologies open source. Ces services font bien souvent la fortune d’importantes sociétés de services (SSII). Sous couvert donc de l’usage de technologies open source, vantant ainsi l’autonomie et l’absence d’adhérence à de grands groupes étrangers « dangeureux et méchants », certains de ces acteurs importants (ne généralisons pas) facturent des sommes qui peuvent devenir, au fil des projets, colossales pour finalement faire des solutions spécifiques dont une partie est open source certes, mais dont les ajouts sont aux mains d’une société commerciale qui a développé ses propres extensions, hébergées potentiellement sur le cloud des fameuses sociétés qui ne peuvent pas garantir la protection de vos services et données… car bien rares sont les grands groupes qui ne dépendent pas des solutions Cloud AWS, Azure, Google…vous suivez ?
Quelles licences sont donc appliquées à ces extensions, intégrations et modules, reversées ou pas, bugs corrigés sur le projet principal ou fork interne, qui est propriétaire, hébergées où… Quelques unes des « subtilités » qui changent tout…

Le monde « open » n’est pas magique, mais il peut être puissant

Open source, Open Data, Open innovation… autant d’acronymes très à la mode et qui peuvent représenter de véritables armes et atouts pour l’innovation et l’autonomie technologique; il n’y a aucun doute là-dessus et la Comission européenne ne s’y trompe pas, sur les grands principes en tout cas.

En revanche, il est crucial de savoir aller au-delà du simple principe énnoncé, largement utilisé et parfois de façon imparfaite. La connaissance de l’open source, pas uniquement d’un point de vue technique, mais également légal, communautaire, est indispensable.

Il ne fait aucun doute que l’open source est une arme puissante, quand elle est bien utilisée. En soi, l’open source n’apporte aucune garantie de quelque sorte que ce soit. Mais bien utilisée, avec les partenaires adaptés, elle constitue le fondement de solutions efficaces, aux coûts maîtrisés et qui contribuent à garantir une souveraineté numérique et une éthique renforcée.

Le monde technologique change, et l’open source y contribue. Imprégnez-vous de la culture open source pour en comprendre les subtilités et utilisons cet atout extraordinaire, massivement collaboratif par excellence !

Source de l’étude de la commission européenne : https://digital-strategy.ec.europa.eu/en/library/study-about-impact-open-source-software-and-hardware-technological-independence-competitiveness-and